14 juillet 2018 : discours prononcé par l’Ambassadeur de France
Intervention de S. Exc. M. Bertrand COCHERY
Ambassadeur de France auprès de la République du Congo,
à l’occasion du 14 juillet 2018
Monsieur le Ministre d’Etat, Ministre de la l’Agriulture, de l’Elevage et de la Pêche, chef de la délégation gouvernementale,
Mesdames et Messieurs les membres du gouvernement, Conseillers à la Présidence de la République et à la Primature,
Messieurs les Présidents du Sénat et de l’Assemblée Nationale,
Vénérables sénateurs, Honorables députés,
Mesdames et Messieurs les représentants des institutions de la République,
Monsieur le Député-Maire de Brazzaville, Monsieur le Préfet, Madame la Maire de Bacongo,
Mesdames et Messieurs les membres du corps diplomatique et représentants des organisations internationales, chers collègues,
Chers anciens combattants,
Madame la doyenne de la Communauté française,
Chers compatriotes, chers amis,
En ce jour de fête nationale, c’est une joie et un honneur pour mon épouse et moi-même de vous accueillir en cette Case de Gaulle où bat le cœur de cette fidélité profonde et vivante qui lie la France et le Congo.
En ce jour de célébration des valeurs de la République jaillies de l’élan révolutionnaire de 1789, la France par ma voix adresse son salut amical et fraternel au Congo et à son chef de l’Etat, le Président Denis Sassou N’Guesso.
I. Dans un monde de ruptures, de conflits et de naufrages, il est plus que jamais nécessaire de nous rassembler dans ce que porte d’universel la devise de la République – Liberté, égalité, fraternité.
La France en a besoin, l’Europe en a besoin. L’Afrique et le monde en ont besoin.
Comme le chante le poème de Schiller sur l’Ode à la joie de Beethoven, devenu l’hymne de l’Union Européenne :
“Alle Menschen werden Bruder
Wo dein sanfter Flügel weilt”
“Tous les hommes deviendront frères
Là où plane ton aile si douce”,
Avec la liberté et l’égalité, la fraternité est l’idéal qui a inspiré la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 et la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948. C’est sur cet idéal nous avons bâti la République ; c’est sous sa bannière que Washington et La Fayette avaient combattu côte à côte pour l’indépendance des Etats-Unis.
Sans esprit de fraternité la France et l’Allemagne n’auraient pu se réconcilier après tant de guerres fratricides. Je le redis en cette année où nous célébrons le centenaire de l’armistice qui mit fin au premier conflit mondial. Sans fraternité nous n’aurions pu surmonter l’absurde et l’horreur d’une Europe ravagée et détruite, ni l’enfer des camps de concentration. Sans fraternité nous n’aurions pu construire l’Europe. Sans fraternité nous ne pourrons répondre aux conflits, aux naufrages, aux replis nationalistes de toutes sortes qui constituent aujourd’hui autant de menaces pour la paix et autant d’interrogations terribles sur nos responsabilités.
Alors, oui, le moment est venu de nous rappeler les vers de Schiller, pour ce que la France et l’Allemagne, plus que jamais unies par une communauté de destin, représentent d’essentiel et de vital pour l’Europe. Oui, le moment est venu de réaffirmer le crédo d’une Europe des valeurs face aux dérives nationalistes et aux tentatives de repli, d’où qu’elles viennent.
Face au drame des hommes et des femmes qui tentent de traverser la Méditerranée, aucun pays ne peut à lui seul apporter de réponse. Et aucun pays ne doit être laissé seul. L’Europe ne peut être qu’une Europe des solidarités. Sur son territoire comme à l’extérieur de ses frontières, et en premier lieu sur le continent africain.
Un idéal, si fort et généreux soit-il, n’existe que s’il atteint la force du principe et qu’il se traduit par des actes. Le Conseil Constitutionnel français, le 6 juillet, vient d’en apporter la preuve, rappelant que la fraternité est un principe à valeur constitutionnelle, et qu’il découle du principe de fraternité la liberté d’aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national, à charge pour le législateur « d’assurer la conciliation entre le principe de fraternité et la sauvegarde de l’ordre public ».
Un idéal n’existe que par les hommes et les femmes qui l’incarnent, parfois au péril de leur vie. Tel fut le combat de Madame Simone Veil, à qui un hommage national a été rendu au Panthéon le 1er juillet dernier. Jamais, dans les circonstances que j’ai rappelées, les mots prononcés par le Président Emmanuel Macron, n’ont pris autant de sens. Comment ne pas rendre hommage, en ce jour de célébration des valeurs de la République, à celle dont tous les combats furent l’incarnation la plus haute et la plus exigeante de la dignité ?
Pour citer le Chef de l’Etat saluant Simone Veil l’européenne, « nous sommes aujourd’hui les dépositaires de ce défi aux vieilles nations qu’elle ne cessa de vivifier. Ce défi est le nôtre, celui de la jeunesse de France et d’Europe, alors que les vents mauvais à nouveau se lèvent. Il est notre plus bel horizon ».
II. Notre horizon, à nous Européens et Français, je le dis avec conviction, c’est l’Afrique, et ici, le Congo.
Parce que l’Afrique rassemble tous les défis et tous les espoirs du siècle ; parce que l’Afrique est notre origine et notre avenir.
De 1940 à 1944, l’Afrique fut, ici à Brazzaville, Capitale de la France libre, le territoire de l’honneur sauvé et de la liberté reconquise. Aujourd’hui, l’Afrique est le continent sans lequel aucun des problèmes cruciaux de notre temps ne trouvera d’issue qu’il s’agisse de la paix, de la sécurité, de la lutte contre le terrorisme, du développement, de l’avenir de la jeunesse, du sens de notre siècle et de son humanité.
Pour être cette terre des solutions, de l’avenir et de l’espoir, encore faut-il que l’Afrique soit pleinement actrice, et non plus seulement théâtre d’affrontements, objet de convoitises, récipiendaire de l’aide des bailleurs, voire pire, réduite dans sa souveraineté par des opérations d’endettement hasardeuses mais si lourdes de conséquences. Des voix commencent à s’élever en ce sens sur le continent, d’Accra à Kigali. Des initiatives sont à l’œuvre, de Dakar à Abuja. Des pages se tournent et des dynamiques s’affirment, de Banjul à Pretoria, de Monrovia à Luanda, d’Asmara à Addis Abeba.
A Ouagadougou, le 28 novembre 2017, le Président Emmanuel Macron a défini les priorités de ce que sera la relation entre la France et le continent africain de demain. Une nouvelle génération est à l’œuvre sur le continent, forte de nouvelles aspirations, porteuses de ces nouveaux projets et de ce nouvel espoir si bien décrit par Jean-Michel Sévérino dans son essai « Entreprenante Afrique ». A nous d’agir avec elle, de l’accompagner dans ses initiatives. A nous de l’aider à émerger là où sa voix peine encore à se faire entendre.
S’agissant du Congo, qu’il soit clair que la France est à ses côté pour l’aider à surmonter les difficultés, pour l’épauler dans la mise en œuvre des réforme nécessaires, pour l’encourager dans la résolution des tensions intérieures et pour contribuer à l’émergence d’une nouvelle génération d’actrices et d’acteurs indispensables à la construction de l’avenir du pays.
Nous n’avons cessé d’être à l’œuvre pour que la relation bilatérale reprenne un cours plus fluide. Le Président Denis Sassou N’Guesso est invité à toutes les initiatives promues par le Président Emmanuel Macron qui concernent les enjeux du continent africain. Sur les questions environnementales, au One planet Summit de Paris de décembre 2017 ; sur l’avenir de la Libye, au sommet de Paris du 29 mai, en sa qualité de Président du Comité de Haut niveau de l’Union Africaine ; en novembre prochain, à l’occasion de la commémoration du centenaire de la fin de la Grande guerre, pour le lancement du Forum de Paris sur la Paix. A l’heure où s’obscurcit l’horizon des relations internationales, la France a en effet souhaité inviter une centaine de Chefs d’Etat et de gouvernement à Paris pour construire un avenir en mobilisant toutes les énergie et les projets des acteurs de la gouvernance globale. Car s’il est une leçon à retenir de l’Accord de Paris sur le climat, c’est que les Etats ne peuvent tout faire à eux seuls, et que l’occident n’a aucune légitimité à tout faire par lui seul.
Un acte majeur dans la relation bilatérale a été la visite du Ministre des Affaires Etrangères Jean-Yves Le Drian les 6 et 7 juin dernier, qui a été le lieu d’échanges francs et amicaux au Ministère des Affaires Etrangères et avec le Président Sassou N’Guesso, sur toutes les questions d’intérêt régional et bilatéral.
Quant aux étapes qui permettront au Congo de surmonter les difficultés qu’il connaît actuellement, elles sont bien identifiées. Elles ont pour nom la conclusion des négociations avec le FMI en vue de l’adoption d’un programme avec engagement financier, comprenant lui-même des engagements forts du pays pour mettre en place des réformes indispensables en matière de gouvernance financière, de transparence et de lutte contre la corruption. Comme l’avait annoncé M. Bruno Le Maire lors de la réunion des Ministres de la Zone Franc à Brazzaville, la France est prête à appuyer par une aide de 135M€ la mise en œuvre de ce programme assorti de solides mesures de transparence portées par le Gouvernement congolais. Sur le plan politique, c’est l’aboutissement du processus de retour à la paix dans le Pool, dans la lancée de l’accord du 23 décembre. Nous saluons à leur juste valeur les récentes décisions de justice qui ont conduit à la remise en liberté de quelque 80 Ninjas, étant entendu que seul le règlement du statut judiciaire du Pasteur N’Tumi permettra de s’engager avec les Nations-Unies dans la mise en place d’un cadre de désarmement-démobilisation-réinsertion. Celui-ci, accompagné d’un plan de soutien au redémarrage de l’économie et de l’agriculture dans le Pool, permettra à ce département de connaître un retour à une paix et à une prospérité aussi indispensables à ses habitants qu’elles le sont à la nation toute entière.
Sur le chapitre de l’économie et des entreprises, vous le savez, il n’est malheureusement de semaine où je ne sois amené à intervenir pour attirer l’attention du gouvernement sur les menaces que les actes de mauvaise gouvernance, les contrôles et contentieux abusifs, font peser sur l’avenir du tissu économique du pays, et sur l’emploi. Ces dérives nuisent à l’attractivité du pays, du moins pour ceux qui ont une certaine éthique de l’entreprise, des affaires et de la responsabilité sociale et environnementale. Je remercie à cet égard ceux qui, dans l’entourage du Chef de l’Etat ou du Premier Ministre, ont permis de résoudre des situations difficiles. Il reste beaucoup à faire. Mais j’ai confiance dans la volonté de ceux qui s’inscrivent dans l’esprit du discours du 30 décembre 2017 du Président Sassou N’Guesso.
C’est le lieu de réitérer auprès des chefs d’entreprises françaises ici présents mon engagement, et celui de mes services, pour la défense de leurs intérêts. Je reste persuadé que les entreprises françaises, par leur savoir-faire, leur expérience, leur expertise, sont un atout déterminant pour la diversification de l’économie congolaise et pour l’éclosion d’une nouvelle génération de femmes et d’hommes entrepreneurs au Congo. Qu’ils soient également remerciés chaleureusement de leurs généreuses contributions à l’organisation de cette soirée du 14 juillet.
Il n’est d’amitié sincère qui n’exige de vigilance et de persévérance. Cette persévérance, elle se manifeste par la continuité de nos appuis dont certaines réalisations récentes ont apporté la plus belle preuve.
Je veux parler en premier de ce chef d’œuvre que constitue la route de la Corniche, qui s’étire à nos pieds le long du fleuve jusqu’au rond-point Fulbert Youlou, et que j’ai eu l’honneur d’inaugurer le 15 juin dernier aux côtés du Président Sassou N’Guesso. Elle est un exemple de ce que l’association de l’AFD et d’une grande entreprise –Razel- peut apporter à la maîtrise d’ouvrage des Grands Travaux, pour le bien-être des populations de Bacongo.
Au titre des enjeux de l’environnement, je citerai la signature récente de la Convention sur la facilité Adapt’Action, qui permettra de renforcer les capacités du Ministère du Tourisme et de l’Environnement, y compris pour le pilotage du Fonds bleu pour le Bassin du Congo.
Enfin, nous serons amenés à signer prochainement avec M. le Ministre des Finances trois conventions importantes : l’une sur la relance de la filière agricole, une autre sur le paysage Forêt Nord-Congo, une troisième sur la protection sociale, pour un montant total d’engagements de près de 25 million d’euros. Une quatrième convention, conjointement avec l’Union Européenne, concernera l’aménagement du Port Autonome de Pointe Noire, pour un montant total de 100 M€, dont 30 en délégation de Bruxelles.
Je ne saurais clore ce chapitre sans mentionner les appuis continus que nous apportons aux secteurs vitaux de la santé et de l’action sociale, par le canal de l’AFD, d’Expertise France, ou de nos interventions au titre du Fonds Mondial.
Monsieur le Ministre d’Etat, chers invités,
L’Ambassade de France, vous le mesurez chaque jour, est pleinement investie dans sa mission pour renforcer la relation bilatérale et aider le Congo à faire face aux défis du présent et de l’avenir.
Je voudrais à ce stade adresser mes plus chaleureuses félicitations à l’ensemble de l’équipe qui œuvre inlassablement à mes côtés à l’Ambassade comme à la Case de Gaulle. J’aurai une pensée plus particulière pour celles et ceux qui vont nous quitter prochainement. Je veux citer notre Consul Général de France à Pointe-Noire, Jean-Luc Delvert, le Docteur Hélène Degui, Conseillère régionale santé, Gwenaël Canevet, Premier Secrétaire, Frédéric Deleuze, Officier de sécurité immigration, Aurélie Godet, responsable de la presse et de la communication, Didier Tribout, Proviseur du Lycée Charlemagne, sans oublier un groupe d’officiers et de sous-officiers de la coopération militaire.
Parlant de fraternité, ayons une pensée pour ceux qui nous ont quitté à jamais. La fraternité consiste à rendre hommage en premier à ceux qui nous sont les plus proches. Tel était le cas d’Henry Ouabelosso, Maître d’hôtel à la Case de Gaulle, que beaucoup parmi vous ont connu, et qu’une fulgurante maladie a enlevé le 21 juin dernier. Je tiens à remercier le Dr Laurent Vallée, médecin chef du Centre médico-social de l’Ambassade, de tout ce qu’il a fait pour aider Henry. En hommage à ce serviteur fidèle de la Résidence de France, je remettrai aujourd’hui solennellement à sa famille, à titre posthume, la médaille du travail, échelon argent, en récompense et en mémoire de vingt-et-une années de service.
III. Portons maintenant nos regards vers l’avenir. Construire l’avenir du Congo par sa jeunesse et pour sa jeunesse, c’est cela aussi le sens de la fraternité.
En nous plaçant en droite ligne dans le sillage du discours du Président Emmanuel Macron à Ouagadougou, l’action en faveur de la jeunesse sera le fil conducteur de notre engagement pour l’année à venir, et au-delà.
Que de fois ne m’a-t-on opposé les stigmates de la guerre civile et des années qui l’ont entourée pour tenter de m’expliquer la retenue -pour ne pas dire le mutisme- de la jeunesse congolaise, de fait bien moins présente que celle d’autre pays sur la scène des initiatives africaines ? Nous ne pouvons pas nous satisfaire d’une telle réponse, quelle que soit sa part de vérité, à l’heure où toutes les forces vives du pays doivent être rassemblées pour construire le Congo de demain et lui permettre de reprendre la place qui fut jadis la sienne dans le concert des nations africaines.
La jeunesse congolaise a les mêmes aspirations et nourrit les mêmes rêves et les mêmes espoirs que celles des autres pays, parce qu’elle est confrontée aux mêmes défis, parce qu’elle vit dans le même présent. Elle est une génération consciente, volontaire, désireuse de s’affirmer, de réaliser, de construire. Ce n’est pas moi qui le décrète. C’est ce qu’ont montré, avec spontanéité et responsabilité, les deux ateliers de Génération consciente animés par Claudy Siar en février dernier, à Brazzaville et Pointe-Noire. Le moment est venu de faire fond sur ce travail, pour que cette génération consciente devienne une génération confiante.
Pour cela, nous pouvons et devons agir dans quatre directions complémentaires :
L’éducation, qui est la pierre angulaire. Nous avons nos lycées Saint-Exupéry à Brazzaville et Charlemagne à Pointe-Noire, qui se modernisent au service de l’excellence pédagogique, et sont engagés dans des partenariats avec les collèges et les lycées congolais comme peut en témoigner Monsieur le Ministre de l’Enseignement primaire et secondaire.
L’enseignement technique et professionnel bénéficie des concours de l’Agence Française de Développement mais se trouve malheureusement handicapé par les difficultés budgétaires du côté congolais.
Quant à l’enseignement supérieur, clé de voûte de l’édifice, il a été inscrit au rang de nos priorités dans le cadre du Contrat de désendettement et de développement, pour conduire une refondation indispensable dans des filières d’avenir telles que l’environnement, la gestion, les nouvelles technologies, avec l’appui de Campus France.
L’entreprise. C’est par l’émergence d’un solide réseau d’entreprises du secteur privé que s’affirmera une nouvelle génération de cadres eux-mêmes porteurs des valeurs qui font déjà, dans bien des pays du continent, cette entreprenante Afrique. C’est à l’émergence de cette nouvelle génération de femmes et d’hommes, professionnelle, compétente et indépendante de tout agenda ou ambition politique personnelle, que nous devons œuvrer, en nous appuyant sur le dynamisme de jeunes chefs d’entreprise franco-congolais pour la plupart, et sur le parrainage d’entreprises françaises.
La solidarité et les initiatives de terrain. Qu’apprenons-nous en effet de l’Afrique qui avance, de Kigali à Accra, de Dakar à Abuja ? Tout d’abord, que le paradigme qui veut que l’Etat décide de tout et que la population attende tout de l’Etat est révolu. Ensuite que la résilience d’un pays en difficulté se bâtit sur le terrain des solidarités et des initiatives au plus près des réalités sociales, à Brazzaville, à Pointe-Noire, demain dans le Pool et la Bouenza. Je tiens ici à rendre hommage à l’action discrète mais irremplaçable de tant d’œuvres religieuses, parmi lesquelles je citerai Sœur Eliane et sa maison de santé à Moungali, Sœur Ida à travers la Case Saint Dominique et la maison d’accueil Eva ainsi que les sœurs bénédictines d’Anne-Marie Javouhey pour la scolarisation des enfants défavorisés. La dynamique du bas vers le haut est au moins aussi importante que celle du haut vers le bas. C’est pourquoi j’ai tant insisté –et fini par obtenir- que notre ambassade puisse de nouveau bénéficier de crédits de soutien aux initiatives de la société civile, qui permettront d’appuyer des projets solidaires portés par des jeunes.
La culture. Comment ne pas saluer le formidable bouillonnement d’initiatives et de talents qui s’est emparé de l’Institut Français du Congo à Brazzaville depuis l’arrivée de sa directrice déléguée, Marie Audigier, que je salue et que je félicite. Avec générosité et professionnalisme, vous avez replacé Brazzaville sur la carte des capitales d’Afrique « où il se passe quelque chose ». Après la venue de Claudy Siar, l’accueil du premier MIDEM, l’organisation –avec quel succès !- du premier concours de chorales du Congo a remis la culture à sa juste place, lui a redonné un rôle moteur, et un rôle prometteur dans la perspective de la Saison Afrique 2020. Vous avez su, avec mon soutien, convaincre de nouveaux partenaires de nous accompagner dans cette démarche, malgré la crise que nous connaissons. C’est bien la preuve qu’une génération consciente est à l’œuvre, et qui sait voir dans une démarche culturelle sincère et innovante, bien plus qu’une occasion de publicité, une véritable école de fraternité pour construire l’avenir. Saluons aussi la mission que viennent d’accomplir les Archives de France pour la conservation et la mise en valeur des archives du temps colonial au Congo, par la construction d’un pont numérique entre le passé et l’avenir du pays pour que ne s’effacent pas « les lumières des temps perdus ».
Je suis également heureux de vous annoncer que, sur ma proposition, deux éminentes personnalités congolaises du monde de la culture viennent d’être élevées à la distinction de commandeur des Arts et Lettres, Madame Aimée Gnali et le Professeur Théophile Obenga.
L’union des voix, comme le symbolise le Chœur Credo que je remercie, c’est aussi la voix de cette génération montante dont le pays a besoin, que nous écoutons et que nous soutenons. Oui, le Congo a du chœur, avec la lettre H, initiale de l’humanité.
Ce message, je pense, aurait certainement trouvé un écho dans l’esprit de Nelson Mandela dont nous célébrons le centenaire de la naissance, lui qui a tant fait pour faire s’écouter et s’entendre les voix adverses, et les réconcilier. Parce qu’il n’y a fondamentalement qu’une voix, celle de l’humanité, et que cette voix s’est élevée, à l’aube des origines, depuis le continent africain.
Cette voix de l’Afrique, c’est celle que nous ne cessons d’entendre pour soutenir l’équipe de France lors du Mondial de football. L’équipe de France est l’équipe d’un pays mais elle est plus que cela. Elle est l’union des hommes démontrant l’absurdité et l’inanité des différences fondées sur la couleur de peau ou sur de prétendues classifications raciales. Voilà le message que l’équipe de France de Lilian Thuram faisait éclater dans la clameur de la victoire de 1998. Nelson Mandela est une de ces « étoiles noires » chères à Lilian Thuram. Demain, pour la finale à Moscou, voilà la flamme que brandira encore l’équipe de France, celle d’une France grande, belle et généreuse quand elle est animée d’un tel esprit. En elle résonne la voix de l’Afrique.
La voix de l’Afrique, c’est la voix du premier homme. En elle et par elle continue de s’accomplir le destin de l’humanité, au gré de ses périples et des migrations dont nous sommes tous les descendants. Baillonnée, enchaînée, asservie, elle a subi les outrages de l’histoire. Mais par leurs combats, des hommes tels que Victor Schœlcher, Savorgnan de Brazza, Félix Eboué, Nelson Mandela, lui ont redonné sa dignité qui n’a d’autre nom que Liberté, Egalité, Fraternité.
Vive la République !
Vive la France !
Vive le Congo !
Vive l’amitié franco-congolaise !
- Intervention de S. Exc. M. Bertrand COCHERY - 14 juillet 2018
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