Portrait de Dominique Fatima VOUMBO-MATOUMONA - Lauréate du prix Jeunes Talents Afrique subsaharienne de L’Oréal-UNESCO

Dominique Fatima VOUMBO-MATOUMONA est l’une des lauréates 2020 du prix Jeunes Talents Afrique subsaharienne, attribué par « L’Oréal-UNESCO ». Ce prix récompense l’excellence de ses travaux de recherche sur la lutte contre le paludisme, notamment à travers l’usage de la pharmacopée traditionnelle.

Dominique Fatima VOUMBO-MATOUMONA a été soutenue dans ses recherches par le dispositif de bourse de mobilité alloué par l’Ambassade de France au Congo. Elle a ainsi pu finaliser sa thèse à l’Université de Franceville, au Gabon, ouvrant la voie à son succès académique et professionnel.

Pour valoriser cette belle réussite, l’Ambassade de France a décidé de revenir sur le parcours et de réaliser le portrait de Dominique Fatima VOUMBO-MATOUMONA.

1/ Bonjour, pourriez- vous vous présenter succinctement et nous faire le récit de votre parcours ?

Je suis issue d’une famille avec un père scientifique et une mère médecin. J’ai également un oncle et une tante tous deux pharmaciens. Ces quatre personnes ont planté en moi les graines de l’esprit critique et la recherche permanente du savoir. Ce cadre a bercé mes rêves de jeunesse. De plus, j’ai eu l’opportunité d’avoir des encadrants qui ont renforcé mon attirance ainsi que mon goût pour la science.

Après l’obtention en 2007 de deux baccalauréats congolais (un en option science de la vie et de la terre et un littéraire A4), à Brazzaville, j’ai poursuivi mes études à la faculté des Sciences de l’Université Marien NGOUABI. J’y ai obtenu en 2010, une Licence en Biologie Cellulaire et Physiologie puis, en 2013, un Master en Biologie cellulaire et moléculaire (option Biologie moléculaire et Immunologie appliquées). La même année, j’ai été retenue pour faire un Master en Infectiologie tropicale à l’Ecole doctorale régionale d’Afrique centrale en Infectiologie tropicale à Franceville, au Gabon. Master que j’ai obtenu en terminant majeur de promotion. Grâce à cela, j’ai pu bénéficier d’une bourse d’excellence de thèse nord-sud, octroyée par l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) et m’inscrire en doctorat au sein de l’Ecole de Franceville. La bourse de mobilité octroyée par l’Ambassade de France m’a permis ensuite d’achever mes travaux de recherche au Gabon. Ainsi, en novembre 2018, j’ai soutenu ma thèse à Franceville, au Gabon, qui portait sur la résistance aux antipaludiques au Gabon et au Congo. Thématique que j’ai pu développer en cotutelle entre le Département de Parasitologie et Entomologie de l’Institut de Recherches biomédicales de l’Armée française, basée à Marseille et l’Unité d’Epidémiologie, Evolution et de Résistances parasitaires du Centre interdisciplinaires de Recherches médicales de Franceville.

J’ai réalisé mes stages de master sur des thématiques liées au paludisme à la Fondation congolaise pour la Recherche médicale, à Brazzaville au Congo. Cette opportunité m’a permis de communiquer sur mes travaux devant mes pairs, lors de rencontres scientifiques nationales et internationales.

Depuis juillet 2019, je suis devenue enseignant-chercheur permanent à la Faculté des Sciences et Techniques de l’Université Marien NGOUABI. J’ai rejoint, en septembre 2020, l’Association africaine pour la Recherche et le Contrôle de la Résistance aux Antimicrobiens. Depuis novembre 2020, j’occupe également des fonctions de chercheur à l’Institut national de Recherches en Sciences de la Santé, au ministère en charge de la recherche scientifique de la République du Congo.

2/Quel rôle et quel impact a joué dans votre réussite professionnelle, la bourse d’étude accordée par le Service de Coopération et d’Action culturelle de l’Ambassade de France au Congo ?

Durant 3 ans, j’ai bénéficié de la bourse d’excellence de thèse offerte par l’Agence universitaire de la Francophonie. Cependant, comme on peut l’imaginer, la recherche est un travail qui est difficile à borner dans le temps. J’ai eu besoin de plus de temps pour finaliser mes travaux auprès de mon directeur de recherche au Gabon, ainsi que pour soutenir ma thèse. C’est pourquoi, dans ce contexte de finalisation de mes travaux de thèse, la bourse de l’AUF étant arrivée à son terme, mes tuteurs scientifiques et moi avons adressé une demande de bourse au Service de Coopération et d’Action culturelle (SCAC) auprès de l’Ambassade de France au Congo. Cette requête a obtenu une réponse favorable et, grâce à la diligence et à la sensibilité au concept « d’égalité et genre » d’une dame de cœur, le Docteur Hélène DEGUI, alors Conseillère Santé de l’Ambassade, une bourse du SCAC m’a été accordée, me permettant ainsi de me rendre à Franceville finaliser mes travaux. Je salue tout particulièrement ce soutien décisif et inoubliable du SCAC et de ses représentants. Cette bourse a été décisive dans la poursuite de mes travaux de recherche et c’est grâce à elle que j’ai présenter ma thèse avec des travaux bien plus aboutis.

3/Comment est née votre volonté de combattre le paludisme ?

Malgré les efforts fournis par l’OMS et autres organismes de lutte, l’année dernière 435.000 décès liés au paludisme ont été enregistrés. L’Afrique Subsaharienne concentre à elle seule plus de 90% des cas et décès liés au paludisme. En République du Congo, Le paludisme est la première cause de consultation et de décès des enfants de moins de 5 ans. Mais en réalité toute la population est à risque pour cette maladie et cela durant toute l’année.

Malgré les recherches sur le paludisme qui ont commencé il y a plusieurs dizaines d’année, pour ne pas dire depuis que les hommes ont su identifier, il y a 50 000 ans, la présence de ce mal, aujourd’hui toutes les 2 minutes un enfant meurt du paludisme. Face à cela, et lorsqu’il a été question de m’orienter vers un domaine de recherche, il m’a paru évident pour le soldat que je suis de prendre mon microscope, d’en faire une arme silencieuse et de m’engager dans la lutte contre le très célèbre Plasmodium. Il faut dire que de voir l’engagement de mes ainés dans ce domaine (Jean Bernard LEKANA-DOUKI du Gabon, Jean AKIANA et Francine NTOUMI du Congo, feu DOUMBO ONGOBARA du Mali, Bruno PRADINES de la France, Oumar GAYE du Sénégal,…) a également été pour moi un facteur de motivation supplémentaire.

4/D’où viennent cette soif de connaissance et votre intérêt pour l’usage de la pharmacopée traditionnelle ?

L’intérêt pour la pharmacopée traditionnelle est intrinsèquement lié à la lutte contre le paludisme. En effet, aujourd’hui parmi les molécules les plus efficaces contre le paludisme (actuellement commercialisées), il y a l’artémisinine et la quinine. Ces deux molécules ont été extraites de plantes utilisées par les phytothérapeutes asiatiques pour traiter les accès fébriles, semblables aux symptômes du paludisme. Un des avantages à l’utilisation de ces molécules est le développement relativement lent des chimiorésistances par le parasite, contrairement aux molécules synthétiques.

5/ Quelles sont désormais vos perspectives d’avenir ?

Transmettre mes connaissances ou aider d’autres jeunes à développer leurs compétences est un privilège et une mission exaltante pour un scientifique. Cependant, comme tout chercheur j’ai une soif insatiable de connaissances et j’aimerais bien accroitre mes compétences dans divers domaines qui me sont utiles au quotidien dans mes activités professionnelles. Grâce à la Fondation l’Oréal et à l’Unesco, cette année j’ai eu la possibilité de me financer quelques formations. Par ailleurs, j’aimerais aussi développer des thématiques de recherche encore non explorées au Congo. Et pour cela j’ose compter sur l’accompagnement d’institutions dédiées.

6/Quel conseil donneriez-vous aux jeunes générations désireuses de s’engager comme vous, au service du bien commun ?

Aux jeunes générations, j’aimerais leur dire que s’engager dans les domaines scientifiques, nécessite un grand élan et qu’il ne faut pas s’arrêter avant d’avoir fini la course, et essayer au maximum d’appliquer cet adage qui dit « quand on veut, on peut ». Plus particulièrement aux jeunes femmes, j’aimerais qu’elles sachent que la science n’est pas un domaine exclusivement réservé aux hommes. Avec beaucoup de volonté, de confiance en soi, d’encouragements et surtout en se fermant aux stéréotypes, on peut devenir scientifique ou chercheur. Je leur souhaite aussi d’avoir un brin de chance car, en plus de l’endurance nécessaire, la chance fait la différence !

Retrouvez sans plus attendre, les articles et interviews consacrés par Jeune Afrique et TV5 Monde, à Dominique Fatima VOUMBO-MATOUMONA, à l’occasion de sa victoire du prix Jeunes Talents Afrique subsaharienne de « l’Oréal-Unesco ».

-  https://www.jeuneafrique.com/1087642/societe/serie-dominique-fatima-voumbo-matoumona-des-plantes-contre-le-paludisme-4-5/

-  https://afrique.tv5monde.com/information/prix-jeunes-talents-afrique-subsaharienne-loreal-unesco-portrait-3-dominique-fatima

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Dernière modification : 03/02/2021

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